Walkabout

12/07/2020 @ 19:30

de Nicolas Roeg

1971 | Grande-Bretagne, Australie| 100'

Réalisé en 1971, La Randonnée (Walkabout) est le second film de Nicholas Roeg (après Performance en 1968, co-réalisé avec Donald Cammell).
La Randonnée est ouvertement un conte initiatique, de la présence continue des enfants à la violence parentale à laquelle ils vont être confrontés tout au début du film. Tout stipule, concoure, rappelle nos contes les plus familiers et notamment Le Petit Poucet ou Hansel et Gretel. Comme ces derniers, La Randonnée est un « survival », mais dont l’ingénieuse rupture va s’opérer avec la rencontre accidentelle d’un jeune aborigène…
Abandonnés par leur père dans le Bush australien, une adolescente (Jenny Agutter) et un petit garçon (Luc Roeg) occidentaux vont devoir survivre dans le désert jusqu’au moment où ils vont croiser le chemin d’un jeune aborigène (David Gulpilil) en plein rituel de « Walkabout ».

Informations pratiques :

🕘 Ouverture des portes de La clef revival 🔑 à 19h30
Lancement de la séance à 20h00
34, rue Daubenton – Paris 5e
💰 Prix libre

—— EN SAVOIR PLUS – WALKABOUT
Le Survival tire son origine du film de genre et d’action (Aventures, Guerre, Western…). Le principe narratif y est souvent limpide : survivre à un contexte particulier d’extrême violence exposant un individu (La Proie nue de Cornel Wilde, Le Convoi sauvage de Richard Sarafian, The Revenant de Alejandro Gonzalez Iñarritu) ou un groupe de personnes (de La Patrouille perdue de John Ford à Sans Retour de Walter Hill) tout le long du film (des Chasses du Comte Zaroff à Délivrance). Ce faux sous-genre, souvent sauvage et cruel, permet au cinéma de faire table rase et de se renouveler avec un postulat narratif minimal (voire radical : unité d’action, de lieu et de temps très restreints), de jongler sur nos tabous moraux, sexuels et sociaux, mais aussi d’éprouver techniquement les conditions de tournage habituelles (Lifeboat, Marooned, Aguirre, Sorcerer, Gravity…).
L’inquiétante étrangeté de La Randonnée provient tout autant de l’adaptation ingénieuse d’un roman de littérature jeunesse (The Children a été écrit par Donald G. Payne, sous le pseudonyme James Vance Marshall) que de la musique de John Barry et de ses apports « sonores » extraits de Hymnen de Stockhausen.
« En Australie, quand un Aborigène atteint 16 ans, il est envoyé dans la nature. Pendant des mois, il doit y survivre. Y dormir. S’en nourrir. Rester en vie. Même s’il lui faut pour cela tuer d’autres êtres vivants. Les Aborigènes appellent ça le walkabout.
Voici l’histoire d’un walkabout. » (Panneau informatif au début du film)
Ce « conte » occidental, à travers les deux jeunes « civilisés », court-circuite le rituel aborigène qui vise à faire atteindre sa majorité par le jeune pratiquant qui l’éprouve. On passe judicieusement d’un survival à un autre, vis-à-vis du point de vue focalisateur de la caméra, sans que pour autant l’intérêt emphatique pour les personnages en soit affecté !
« Le corps sous la peau est une usine surchauffée, et dehors, le malade brille, il luit, de tous ses pores, éclatés. » (Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société)
Le traitement onirique, voire symbolique de la nature, rappelle La Nuit du chasseur de Charles Laughton. Le film veut s’imprégner au plus près de l’imaginaire instinctif et instantané de l’enfance qui vient se répercuter sur l’espace environnant. Et à mesure que l’éducation occidentale et la sensiblerie pudibonde refont surface, le décor s’urbanise… Dans un premier temps, la nature est donc un personnage en plus d’être un décor bien identifiable (Outback). Dans un second, elle est sous l’emprise et l’influence du choc des cultures que la perversité insidieuse de l’éducation occidentale va entacher définitivement. La Randonnée est un film britannique ; la démonstration critique est sans équivoques contrairement à Wake in fright (Réveil dans la terreur, 1971) de Ted Kotcheff ou de Long Weekend (1978) de Colin Eggleston, deux films australiens emblématiques. La Randonnée est peut-être plus proche de Hope and Glory de John Boorman où l’homme blanc, finalement, correspond dans sa nature à la sérialisation du meurtre gratuit, au gâchis technologique constant, au grotesque et ridicule de l’administration technocratique et à la pudeur morale répressive et exclusive. Ces valeurs artificielles et destructrices s’opposent à l’Aborigène où le sacré, le rite relèvent d’une parfaite communion avec la nature jusqu’à l’acceptation de son Altérité. Le barbare décidément n’est toujours pas celui qu’on croit…
« La civilisation, c’est un mannequin en habit de velours qui appuie sur un putain de bouton (…) et tuer des milliards de bougres qu’il ne connaît pas. (…). Je ne peux pas accepter tes principes conservateurs. La perfection, le progrès… ne sont que vanité engendrée par la peur. » (Wake in Fright de Ted Kotcheff)
L’ironie acerbe, cruelle et définitive du film concerne bien l’aborigène… Survivra-t-il à son statut dérisoire, dans sa relation sacrée à la nature (avec ses armes primitives) à proximité d’une civilisation (auto)destructrice et technocratique, mais surtout… survivra-t-il à son désir sexuel pour la jeune fille qui, trop conditionnée par son éducation anglo-saxonne, réprimera souvent ses sentiments ?
« Oui, nous ne tomberons jamais hors du monde. Nous sommesedans une fois pour toutes. » (Christian Dietrich Grabbe, Hannibal)