Antiporno

Kyoko, jeune artiste connaissant le succès, monologue dans son appartement aux couleurs criardes. Elle s’habille, tourne en rond, et parle au fantôme de sa soeur décédée. Après l’arrivée de son assistante Noriko, se révèle rapidement une relation de domination entre les deux femmes; qui ne fait que s’exacerber avec la présence de l’équipe venue interviewer et photographier Noriko pour un magazine de mode connu. Les humiliations répétées de Kyoko envers Noriko vont cependant subir un retournement brutal.

A la genèse de ce film, il y a une commande de la société de production Nikkatsu à cinq réalisateurs japonais, dont Sono Sion (Love Exposure, Guilty of Romance); afin de faire un reboot de « Roman Porno », l’ensemble des films pink produits par la Nikkatsu de 1971 à 1988. Avec ce 43ème film, Sono Sion, utilisant les contraintes du « roman porno », joue en même temps à retourner ce cadre de production spécifique contre lui-même.

Sono Sion : « Je déteste les mosaïques, j’essaie d’éviter les scènes dans lesquelles il faut cacher les sexes, bien qu’une s’avéra impossible. Mon film a une dimension conceptuelle, il se nomme AntiPorno parce qu’au départ je ne voulais pas le faire. C’est tout à l’honneur des producteurs de Nikkatsu de m’avoir donné cette liberté de faire ce que je voulais. » (interview de Stephen Sarrazin pour EastAsia en 2016)

« Kyoko voit disparaître la sortie qu’elle cherche tout au long du film, l’échappatoire. Elle est bloquée dans ce studio de cinéma rouge et jaune que l’on perçoit comme espace d’une psyché gangrénée, pervertie. Pervertie par « une société de merde et sa liberté de merde, ses hommes de merde qui dominent tout », déclare Tomite Ami, face caméra, prête à accueillir le gâteau d’anniversaire de sa soeur suicidée, avant de finir sur ce « roman porno de merde ». Les comptes sont réglés: Antiporno naquit dans un studio, au Japon, comme une bombe destinée à les détruire tous les deux de l’intérieur. » (Constant Voisin, Sono Sion et l’exercice du chaos)