Des récits de luttes ouvrières aux films décoloniaux, c’est un cinéma qui, depuis sa création, s’affronte aux questions politiques, laissant aussi une place et la parole à d’autres associations engagées. On s’est inscrit·e·s dans cette histoire dès les premiers mois de l’occupation et jusqu’à nos récentes séances au DOC – et c’est parce qu’on est convaincu·e·s que les films sont créateurs de liens et sources de débats qu’on s’est tant battu·e·s pour préserver La Clef.
On est d’autant plus heureux·se·s de faire cette annonce aujourd’hui que le contexte politique grave et l’inquiétude qu’il suscite rendent plus que jamais nécessaire l’existence de lieux où se réunir, où penser et construire des alternatives. On espère que cette bonne nouvelle, si petite lueur soit-elle, donnera de l’espoir et de la force à toustes celleux qui luttent, partout.
On a presque du mal à y croire, tant le chemin a été long.
Il aura fallu lutter pendant presque cinq ans. Cinq ans de réflexions, de rencontres, de négociations, de bouteilles à la mer, d’idées folles, de déconvenues et de belles surprises. Il aura fallu des milliers d’heures de réunion, des nuits courtes, et des mails à la terre entière. Occuper puis acheter La Clef a requis un effort immense, coordonné, et de la persévérance – et cela n’a été possible que parce que des dizaines de personnes ont travaillé ensemble, se sont formé·es les un·e·s les autres et se sont relayées. Sans cela, nous n’aurions pas mené à bien un tel projet, qui exigeait de tout apprendre : utiliser un projecteur, réparer une tireuse à bière, animer un débat, construire un budget, déjouer l’expulsion, trouver des mécènes, produire des films, gagner du temps. C’était grisant mais c’était difficile, et si l’on n’a jamais lâché, c’est aussi grâce au soutien constant du public, des bénévoles venu·e·s prêter main forte, des donateurices, des ami·e·s et des professionnel·le·s. Grâce aux militant·e·s qui nous ont inspiré·e·s, aux personnes qui nous ont conseillé·e·s. C’est grâce à vous toustes : encore mille fois merci !
C’est notre fonds de dotation, Cinéma Revival, qui sera propriétaire du bâtiment.
Sa mission est de garantir que La Clef reste pour toujours un cinéma associatif et indépendant, protégé des appétits spéculatifs et administré librement par ses usager·e·s. Il confiera la gestion du lieu à l’association La Clef Revival, ouverte à toustes celleux qui souhaiteront la rejoindre. Son projet s’inscrit dans la continuité de l’occupation : des séances à prix libre de films rares, une programmation participative, des cartes blanches à des associations, des rencontres fréquentes avec des professionnel·le·s, un espace dédié à la convivialité, des ateliers pour accompagner la création émergente…
De cette façon, on ne sauvegarde pas seulement un cinéma de quartier.
On défend l’idée que la valeur d’un lieu ne se mesure pas au nombre de ses mètres carrés, mais aux possibilités qu’il offre de s’organiser et de créer collectivement.
On soutient que de tels lieux doivent exister au cœur des métropoles, et pas seulement dans les périphéries où le marché les repousse sans cesse.
On ouvre une brèche dans la ville néolibérale, un lieu d’accueil, d’invention et de contestation qui sera une ressource pour des collectifs qui n’ont pas d’espace à eux – l’actualité nous presse, justement, de favoriser l’autonomie politique, de tisser des solidarités nouvelles et d’encourager l’entraide.
On affirme que la culture est un bien partagé, et l’autogestion un modèle émancipateur.
La Clef sera un lieu où partager des idées, des films et des combats ; où renouer sans cesse les liens entre les œuvres et le temps présent, le cinéma et la politique.
On a hâte d’en rouvrir bientôt les portes, pour que s’y engouffre l’imagination collective !